Bouge, petit homme.
Bouge, parce que tu es mouvement.
Bouge, sois papillon, flammèche, gestation auguste des Andes, poème recommencé du vent, chiffon tout secoué d’extase, émotion des premiers sentiments. Bouge, sois l’inquiétude de la ville, le faseyement des média, la colère énorme, l’orage, le scintillement des étangs. Bouge pour honorer la lumière, danse pour booster la création. Bouge parce que c’est ton instinct, ta part, ta mission pour un temps.
Le trait s’élance et tente l’impossible : accompagner le mouvement, bouger en phase, traduire l’instant dans l’instant. À l’ascèse obstinée des corps s’accouple l’ascèse tout aussi obstinée de l’artiste, on pourrait dire du tâcheron. La capture visuelle, l’intention, le geste quasi réflexe, la docilité relative de l’outil, tout concourt dans la seconde, et l’on retient sa respiration à chaque dessin. La maîtrise est rarement atteinte, c’est la fatalité du croquis, son humilité, son moteur aussi. Il faut admettre que l’instant fuie, transformer insatisfaction et satisfaction en excitation d’aborder l’instant suivant.
C’est l’énergie du nageur qui affronte les neuf vagues du bord avant d’accéder à l’intimité de l’océan. Car la récompense est dans la multiplicité. De l’ensemble des croquis se dégage un effet addictif – généreux, émouvant, mouvant – qui ressemble vraiment à la vie, la vie qui nous mène et qui nous est si chère.
Claire Dequéker
Danses
Encre sur papier
Une sélection de 30 dessins réalisés au cours des ateliers d’improvisation chorégraphique du collectif Zone libre de 2018 à 2020.